Responsabilité médicale de l’interne à l’hôpital

La place qu’occupe l’interne est prépondérante dans le fonctionnement des établissements publics d’hospitalisation. Ce dernier participe activement aux soins dans les services. Nombreuses sont donc les situations où sa responsabilité médicale peut être recherchée.

Responsabilité médicale : entre l’interne et l’établissement

Au regard des règles relatives aux modalités d’exercice des internes et aux principes fondamentaux du service public hospitalier, c’est la responsabilité de l’établissement qui est susceptible d’être engagée à l’occasion d’un acte pratiqué par un interne. Cependant ce principe ne doit pas faire oublier que la responsabilité personnelle de l’interne peut être recherchée, même si elle demeure résiduelle.

L’hôpital responsable des actes médicaux de l’interne

Le décret n° 2010-1187 du 8 octobre 2010 modifié, édicte, pour l’essentiel les dispositions relatives au statut des internes et à l’organisation de leur formation au sein de l’établissement. Il s’avère, néanmoins, peu éloquent quant aux compétences effectives dont dispose l’interne. La jurisprudence s’est ainsi attachée à préciser ses attributions et à définir un cadre précis à son intervention.

L’interne, agent du service public hospitalier

Il bénéficie de ce statut par la participation au service public hospitalier de l’établissement au sein duquel il exerce ses fonctions. Cette situation a des conséquences fondamentales en cas d’action fondée sur une faute supposée de l’interne qu’il conviendra d’apprécier au regard des compétences qui lui sont reconnues.

– Principe de la responsabilité médicale de l’établissement 

Si on excepte des situations résiduelles, l’action engagée par un patient du fait d’un acte exécuté par un interne ne peut être dirigée contre ce dernier. Toute action mise en œuvre directement contre un interne est irrecevable. Par conséquent, c’est l’établissement où exerce l’interne, et non l’interne lui-même, qui doit supporter l’éventuelle indemnisation accordée au patient.

– Attributions de l’interne 

La lecture des dispositions régissant la situation de l’interne fait apparaître une réelle ambiguïté au regard des fonctions effectives qu’il exerce. Bien que non thésé, il est fréquemment conduit, en pratique quotidienne, à se déterminer seul, notamment à l’occasion des gardes qu’il effectue au sein de l’établissement. Il exerce ainsi des fonctions de prévention, de diagnostic et de soin et dispose pour cela de prérogatives dont il est délicat d’établir une liste exhaustive.

Droit de prescription

L’interne dispose d’un droit de prescription limité, bien qu’il ne soit fait aucune référence expresse à cette prérogative dans le décret du 8 octobre 2010.
La circulaire du 8 décembre 1988 dispose en effet que l’interne peut valablement signer les ordonnances de prescription de médicaments et de traitements pour le patient hospitalisé. Cependant, il y a une exception des médicaments stupéfiants, sauf s’il a déjà obtenu le diplôme d’Etat de docteur en médecine. Il convient de préciser que ces dispositions sont également applicables aux résidents en médecine ainsi qu’aux étudiants occupant, à titre provisoire, un poste d’interne vacant, dit « faisant fonction d’interne.»

Elaboration du diagnostic

L’élaboration du diagnostic se présente, en pratique quotidienne, comme une prérogative essentielle de l’interne dans le cadre des soins qu’il dispense. Elle requiert, de sa part, une attention toute particulière et nécessite le recours aux moyens les plus appropriés, conformément à l’article 33 du code de déontologie médicale ; celui-ci recommande au praticien d’ « élaborer son diagnostic avec le plus grand soin, en y consacrant le temps nécessaire, en s’aidant dans toute la mesure du possible des méthodes scientifiques les mieux adaptées et, s’il y a lieu, de concours appropriés ».

Rédaction de certificats

Cette prérogative étant subordonnée à l’obtention du diplôme d’Etat de docteur en médecine, l’interne ne peut valablement se livrer à la rédaction d’un tel document, si l’on excepte l’hypothèse où l’interne serait titulaire de ce diplôme. La circulaire du 8 décembre 1988 précise en outre que la délégation dont peut bénéficier l’interne dans le cadre de ses fonctions ne saurait comprendre la faculté de signer les certificats.
Dans le cadre d’une réquisition, à laquelle il doit déférer sous peine de sanction, l’interne ne dispose pas plus du droit de rédiger un certificat mais il peut cependant établir une observation médicale en mentionnant bien sa qualité d’interne.

L’interne agit par délégation

Ces dispositions relèvent, pour l’essentiel, de l’article R 6153-3 du code de la santé publique que l’interne exerce ses fonctions « par délégation et sous la responsabilité du praticien dont il relève ». Il s’agit le plus souvent du chef de service.

Conditions de la délégation

Par un arrêt de principe (Conseil d’Etat, 18 décembre 1953), la jurisprudence a défini les circonstances dans lesquelles l’interne pouvait valablement recevoir délégation d’effectuer un acte. Il en résulte deux critères essentiels :

– Le caractère courant de l’intervention : le praticien dont relève l’interne ne peut lui déléguer qu’un acte ne présentant pas de difficultés sérieuses. Par conséquent, une intervention d’une gravité particulière ne peut pas faire l’objet d’une délégation.
– L’appréciation des capacités de l’interne : il s’agit certainement de l’élément le plus délicat car il suppose une évaluation des capacités de l’interne. Le praticien doit en effet s’être « assuré au préalable…que l’autorisation ainsi donnée à ses collaborateurs n’est susceptible de porter aucune atteinte aux garanties médicales que les malades sont en droit d’attendre… ».

En pratique, en cas de litige, les tribunaux se fondent sur l’expérience acquise par l’interne au cours de sa formation ainsi que sur des éléments de pur fait tels que le nombre d’actes de cette nature déjà accomplis, la proximité de la soutenance de la thèse, la nature de l’acte délégué, etc.
S’il n’est pas nécessaire, au regard des textes et de la jurisprudence, que la délégation fasse l’objet d’un écrit, un tel document précisant la nature des actes confiés aux internes peut s’avérer précieux, en pratique, dans l’hypothèse d’une mise en cause.

Une situation dérogatoire : l’urgence.

En pareille situation, l’intervention de l’interne s’impose, en l’absence du chef de service ou d’un de ses collaborateurs qualifiés. Bien plus, il s’agit d’une obligation légale pour l’interne. Son abstention pourrait le rendre passible de poursuites sur le fondement de la non-assistance à personne en péril. L’interne doit cependant, même en cas d’urgence, mettre tout moyen en œuvre pour joindre le chef de service ou son assistant.

Les effets de la délégation

Il convient, afin de définir les effets de la délégation, de déterminer si elle a été délivrée dans le respect des conditions énoncées ou si, dans la négative, elle peut se voir qualifiée d’injustifiée. Il résulte de ce clivage une différence quant au régime de la responsabilité médicale.

La délégation justifiée

La nature de l’acte délégué et le niveau de compétence de l’interne peuvent justifier la délégation, celle-ci étant alors considérée comme licite. Dans ce cadre, en cas de faute de l’interne entraînant un préjudice pour le patient, la responsabilité du service public hospitalier est susceptible d’être engagée sur le fondement de la faute médicale.

La délégation injustifiée

L’interne peut également se voir confier la réalisation d’un acte d’une particulière difficulté ou ne pouvant être exécuté au regard de ses connaissances. Cette situation peut résulter, notamment, d’une mauvaise appréciation des capacités de l’interne par le praticien dont il relève. Dans ce cas, la délégation s’écarte, par son objet, du cadre licite dans lequel un acte peut être confié à un interne. La responsabilité médicale du service public hospitalier est alors susceptible d’être engagée sur le fondement du défaut d’organisation.

En outre, cette responsabilité médicale n’est pas exclusive de la responsabilité pénale du praticien dont relève l’interne. Bien qu’exceptionnelle, elle est susceptible d’être recherchée s’il est démontré une imprudence ou une négligence. Celle-ci pouvant résider en une manifeste erreur d’appréciation des capacités de l’interne.

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