La loi santé a été adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale. Elle mise sur la fluidité de l’information et l’autonomie des acteurs. Mais, hélas, ne va pas assez loin, regrettent Pierre-Yves Geoffard, membre du Cercle des économistes et Jean-David Zeitoun médecin.
L’Assemblée nationale a adopté en première lecture la loi santé. Plus que beaucoup de lois précédentes, ce texte vise à transformer en profondeur le système de santé. Le rôle du médecin devrait en être attribué. Des pertes significatives de monopole sur des actes physiques ou des éléments immatériels sont prévus. Avec toutefois des points de compensation.
Ainsi, plusieurs reports de tâches deviendront possibles légalement; les pharmaciens pourront, sans prescription médicale, délivrer certains traitements pour des affections bénignes comme les angines ou les infections urinaires mineures. Ils pourront vacciner. Les sages-femmes verront leurs compétences élargies, elles pourront prescrire et vacciner. Les médecins retraités et les internes pourront établir des certificats de décès. Alors que ces mesures, dont certaines sont en vigueur depuis longtemps dans d’autres pays, peuvent conduire à un allégement des tâches non cliniques ou à faible expertise, certains syndicats les rejettent.
Dossier médical partagé, ce que dit la loi santé
Le monopole (relatif) de l’information saute aussi. Le médecin de famille a été traditionnellement dépositaire de toutes les informations au sujet de ses patients. Mais cette information était limitée. Elle est aujourd’hui beaucoup plus importante, l’industrie médicale est l’un des secteurs qui produit plus de données.
Malheureusement, ces données sont trop fragmentées et la tâche est de les installer dans l’ordre ou au minimum d’en améliorer l’accès, ce que permet théoriquement le numérique. Plusieurs fois annoncé, retardé, relancé, puis stoppé de nouveau. Cette fois sera-t-elle la bonne pour le passage de l’ensemble du dossier médical partagé, composante centrale de l’espace numérique d’un patient? Celui-ci doit permettre de coordonner les activités des professionnels de la santé impliqués dans un épisode de soins ou le suivi d’une maladie chronique.
L’approche « descendante »
La loi vise également à encourager les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) créées il y a deux ans. L’un des maillons de ces CPTS est la maison de santé pluridisciplinaire. Elle peut contribuer à capter les patients pour qui la seule mauvaise option est actuellement d’aller aux urgences hospitalières. De telles structures, en combinant plusieurs professions de soins, sont la norme dans de nombreux pays, où elles permettent d’éviter les «déserts médicaux».
Mais la loi reste encore imprégnée d’une approche« top-down» peu compatible avec la fluidité de l’information et des personnes. En particulier, pourquoi ne pas aller jusqu’au bout de la logique? Charger explicitement à ces maisons de santé des missions d’accès pourrait prendre la forme d’un contrat d’objectifs; rémunérant de manière globale l’entité en fonction de la réalisation de ces objectifs, et laissant les professionnels d’organiser correctement.
Si certains pensent que le paiement à l’acte des médecins leur convient, qu’ils le fassent; si d’autres préfèrent le salariat, qu’ils soient libres de choisir ce modèle. Et si certains pensent que certaines fonctions, y compris administratives, gagneraient à être assumées par du personnel non médical, qu’ils recrutent ces profils. Et ainsi de suite. C’est au plus proche du terrain que l’information a le plus de valeur. Ce qui manque souvent aux acteurs est la souplesse nécessaire pour adapter la structure aux besoins de la population couverte, dont les besoins varient d’un territoire à l’autre.